La doublure de satin

Je ne sais quel charme
– ou quel orme –
cajole ses feuilles
– est-ce leur fluide
qui agit pour rendre
la vie
belle

Nature modérée
il jugeait les autres
par omission
– et c’est ainsi
qu’il pardonnait
à ses propres
pêchés

Dans des usines assourdissantes
dans des marais glauques
dans des pays si loin
roule file s’épuise
la vie des enfants –
pour égayer celle des nôtres

Au bout d’un moment
au bout de tout
un espace entre deux courses
entre deux points
qu’aucune lumière
ne fixera jamais –
instant figé

Ils sont partis
appelés à faire
le vide
– une distance infinie
peu à peu devient
tout le temps
qu’ils vont habiter

Cela ne fait plus de doute
mon visage
jamais
ne montre
la sérénité
des bonnes
nouvelles

Certaines flèches tuent
d’autres filent haut
– intouchables –
elles ricochent
parfois –
et tuent
aussi

Si je gagnais
je rejouerais au jeu
des plaintes entendues
au fond des vallées
que pourtant
je sais
imaginaires

Sur le moment
à l’instant où brûle
le bout de l’allumette
sur mon doigt –
je devine
à l’instant
toutes les souffrances

La mémoire s’embrase
comme éclate un rire
rappel d’enfance
– légendes apprises
ou mal sues –
il en reste
peu de choses

J’ai perdu mon temps
j’ai perdu l’ampleur
sourde de tes mots
entendus si loin –
loin de toi
j’ai oublié ta voix
– sa chaleur

Sur la galerie
chantent des clameurs
joies pleurs –
sur les cimes
des cœurs pleurent
si haut qu’on
ne les voit mourir

Je souhaite que ce soit fini
que tout vienne
à sa fin à sa lenteur
morne et molle
je souhaite en finir
de vivre trop –
ou trop mal

Brrr ! j’ai froid
j’ai faim j’ai soif
et pourtant je ne dois
rien sentir –
s’il faut accomplir
le dernier
geste

La chaleur ondule
me fatigue m’épuise
mais je cherche
en ce lieu –
repos du mort
espoir du vivant
– l’ondulation d’un rêve

Il emporte le texte
le relit pour le jeter
ensuite –
froissé en creux
dans une histoire
mélancolique
et improbable

Sur la table
étale et blanche
le soleil grille
les restes d’un repas
de fruits
rouges jaunes
– et crus

Main sur l’épaule
tête déjetée
dans une danse écartée
les dieux nous rient
au nez
– ils moquent notre
tranquillité

A sa propre mort
elle croit –
car elle vit
le présent
incertain
– jour
déjà fané

Il était sûrement devenu 
autre
il était sûrement parvenu
à oublier
– nous on avait gommé
jusqu’aux lignes
de son visage

Chronique d’une souffrance
quotidienne –
on aurait pu écrire
le journal avant-coureur
de ses douleurs
– jour par jour –
jusque dans son sommeil

Une croyance fortement affirmée
– de ce credo
longtemps récité
je ne sais quelle parole
me reviendra –
au dernier jour

Le soleil se couchait
le matin montait
et ainsi des jours
et de nos nuits
– ces traits de côte sans surprise
lames ensorcelantes
de nos vies

Rire du fond des années
lointaines
– avec ce visage
où la vérité
ne se montre plus –
insincère
hilarité

Elle ne répond pas
reste en deçà –
fichée loin dans
ses pensées
– recluse
je ne la compte
plus

Pleurer est si minuscule
– à la marge de
nos sensations –
pleurer puis crier
serait notre seule
vraie
force

Comme si je quêtais
comme si je désirais
– une chose un signe
pourtant
je sais que
la course est perdue
d’avance

L’eau se coiffe de blanc
écume claire
et gouttelettes douces
– à mon front
plus de rides
seules
des pensées liquides

C’est plus tard
que je viendrai
dire tout l’or du soir
malgré la plaie
sur le pin parasol –
ce sera le souvenir
– le meilleur

Il avait sauté
trois mots
lecture abandonnée
écriture hachurée –
bouts de phrases
jetés en l’air –
déchirés

Ils étaient plutôt heureux
plutôt serrés les uns
aux autres jetés
au hasard
joue face et corps à peau
heureux –
mais c’était quand

J’ai été suivi
imité reconnu
et puis j’ai été jeté
rejeté –
contre la face cachée
ma face cachée –
peut être

Reflet ou ravissement
rien de cela –
aucun jaillissement
ni d’eau
ni de simple
jeu
– même usé

On a quitté cette maison
on a jeté le feu
d’une main fébrile –
au fond
des couloirs
brûle l’histoire
– de ceux d’ici

La doublure de satin
de la lune éclaire
le manteau
que j’ai enfilé
– pour affronter
tous les soirs
restants

Nœuds de vie
arrêtés à la porte
bouscule-toi
remplis le vide
prends la place
tu seras chez toi
– enfin accueilli

De temps en temps
pas tout le temps
mais de ci de là
le volet les portes
claquent au vent
– à l’air brutal
qu’agitent tes bras

Comme si
tu la voyais
tu l’entendais
comme si cette
vague emplissait
tout l’espace –
tout le temps

Chassant les nuages
– le vent
chassant les obstacles
– la volonté
chassant la morosité
– la gaité
serait-ce aussi simple

N’avait pas conscience
n’avait pas confiance
n’avait pas suffisance
n’avait pas obligeance
n’avait pas tolérance
n’avait pas influence
– juste une certaine aisance

Pour quelle raison
m’a-t-il souri
besoin de pardon
ou rôle bien appris –
je ne décrypte pas les
intentions de qui
n’a pas de paroles

Dans les serres d’une pince
je mettrai
ton rire éclatant –
je serai délivrée
prête à me sentir lucide
une fois – une seule
– peut être

J’ouvris le vieux cahier
– il était recouvert
d’une écriture sale
et sautillante –
impossible d’y lire
les péripéties
que le titre annonçait

Au premier coup d’œil
elle était belle
– son être dévoilait
le brut état de son âme
masqué
dans ce corps
libre

Couleur trompeuse
je n’ai jamais aimé
colorer la vie
de peur d’être déçue
par ses tons –
je crains
d’avoir eu tort

Elle s’élève à hauteur
des anges
des nuées pures
et claires –
peut être
espère-t-elle
y renaître

Fichez moi la paix
donnez moi l’élan
de tout rejouer
raconter dire –
même rire
s’il le fallait
je le ferais

Dormir et tout oublier
oui mais quand
pour qui
quelle joie
quel plaisir
je reste mon seul ami
– rien ne se prête

Calmer à présent
soigner apaiser
refaire le chemin
après la douleur
des chutes et des maux
mal clos –
calmement

Nous sommes cinq
club intime et absurde
comme un cœur
à plusieurs valves
ventriloques gauches
incapables de parler
à cinq bouches

La voix qu’il écoutait
ne parlait pas
ne le consolait pas
de ces vieux rires –
c’était un temps
à devenir
sourd

Gratte l’allumette
et le feu jaillit
secoue tes bras
tes jambes ta tête
et la vérité
éclaire –
illumine peut être

Des gouttes sous cape
des rires goutte à goutte
des danses pieds nus –
sous les arbres
détrempés de joie
– le temps est beau
les hommes sereins

Discipline de fer
qu’est-ce à dire
ou à faire
au fond des maisons
où l’enfant obéit –
contraint – mais
aimé quand même

Il fut un temps
j’avais vingt ans
brutales ces années
mortes –
il fut un temps
de pleur et aussi
– d’espoir

Je suis déchiré
comme le papier peint
aux murs que j’aimais
– entre les bras qui
l’avait collé
pour faire un nid
– mais bien incertain

Et dire que j’ai fait ça
c’est dire la honte
c’est dire –
le regret – l’espoir
pour quel repentir
– et cette histoire
à réinventer