Revue ARPA

ARPA 143 – Février 2024

LES SAISONS

J’entends le crépitement du soleil qui boue sur les herbes
Et elles s’enflamment quand la chaleur monte
Je l’entends depuis l’enfance quand le lait brûlait dans la casserole
en furieux débordement le long du fer chauffé à blanc
J’entends le crépitement des voix de ces matins
au Sud de la ligne qui touchait les espoirs
°

Un vent salé mouille mes joues
Sous la lumière chaude
le ciel jette des armes de feu
sur l’herbe jaune et rare
comme mon souffle d’enfant

°

L’herbe sèche au fort soleil
habite les rides
de nos maisons fatiguées
Et inlassablement croît et embellit
sur les tombes et leurs mains endormies

°

Soleil faible amaigri de toute sa pâleur
Nous devions aller le vent le froid enlacés
nous sommes restés assis prostrés
Cachés sous la laine des lumières intérieures
nous cherchons la dernière chaleur
La lueur s’efface et dans le soir tombant
nous rêvons mollement
L’hiver est un voyage usé

°

Cette nuit l’arbre a été abattu mutilé par des outils
L’homme à ce travail a oublié son passé
sa naissance de feuille et d’eau
Les branches sont tombées lavées sous une pluie soudaine
Une odeur de ramure me touche au visage
Sauver cette trace avant qu’une nouvelle nuit
endorme le désordre

°

Le vent a cessé la chaleur a pris tout l’espace
Je vois s’éteindre la verdure sous les mousses sèches
Je voudrais me couvrir d’herbes poussées sous les menthes
et me noyer dans un décor de fraîcheur pour sentir les choses

°

Dehors les arbres dans le vent
et l’enfant espère tout quand le froid fige ses mains pâles
Dehors il entend peut être
bruisser le ruisseau des premiers jours

°

Je n’inventerai jamais le soleil levant
la lente apparition qui réchauffe
le dard jaune fiché dans le sommet du pin
le reflet mourant sur la fenêtre
la goutte de lumière entre deux feuilles mortes du vieux chêne
les couleurs éclatées au ciel après la pluie
les éclairs rouges et bleus au coin du toit le soir
Je sais que mes journées avanceront
dans des couleurs de mouchoir fripé
à tâtons à l’ombre des questions

INSTANTS D’UN ETE
15 haïkus libres

Dans la houle d’été
la fumée
de la fournaise

A la chaleur âcre
des pins en feu
mes pensées divaguent

Eté précoce
des pluies de sable
pour offrande

Nuit et jour
se succèdent
sans frissons

Routes écrasées
Passants éblouis
d’un soleil lourd

Blés mûrs
le long des routes
grises et fumantes

Aux carrefours brûlants
Des pensées
échauffées et apeurées

L’eau perle
au front
Absente des sources

Eau courant
le long du chemin
Rien qu’un souvenir

Terre craquelée
Les pensées
s’étiolent au soleil

Confort d’un soir
doux et lent
Matin oppressant

Récolter le fruit
mûr et coulant
Instant révolu

Pies rapaces
épient
les miroirs de l’été

Quand sortir
et humer
le matin en éveil

Roses fanées
Si vite
en automne

Revue ARPA 137-138 Octobre 2022

LISIERES

Que faisons-nous d’autre
que
guetter ?

Le mot-signal
L’envol un matin
Les bruits et les chants
Une couleur une fleur
Le rire qu’on espère

Guetter le rare
et le connu
Que faisons-nous
d’autre ?

*

Tant de desseins
escaladés
jusqu’en haut des précipices
A vous donner la nausée
Souffle coupé

Prendre le temps
et le planter
une bonne fois pour toutes

Accroché
à cette longe
que l’on croyait brisée

*

Revenir comme on caresse
un tic
une habitude

Décrire
le passage dans le miroir
Sentir le voile bouillonnant

Je la connais
cette leçon de choses
dans une continuelle
transe
ressac de l’ego
en marque sur mes membres

Revenir à elle
A moi

*

Un matin gris sur
les lisières de nuit

Et ces rêves
avant-coureurs

Des paroles pâles
Un rai blanc
sous la porte
Un vent d’ailleurs

Autour rien

Le pin a cessé son balancement
Aucun son ne sort de la
bouche du sol
dans la torpeur épaisse
d’un matin à l’arrêt

*

C’est un instant perdu
Aux abois
Folie que cette recherche
de la beauté

A cet instant
je suis stérile
De ma chair seule à connaître
le toucher

Ce marbre de ma peau
inutilement
dessiné

Les bourrasques battent
les herbes
aliénées
à cette terre-île

Sur un bout de granit
un continent
et toutes les paroles

Seuls
isolés
en proie aux hurlements
les oiseaux haut dans leur ciel
effeuillent le minuscule
territoire

Quand la mer et le ciel
pourraient
sous nos yeux
avaler toute la
Terre

*

Le soir médite
sur le
silence

Entre joie et peur
peine et
obéissance

Tout chemin
aboutit aux regrets

Le soir médite
et les absents
pèsent
dans chaque voix

Le noir habille
leur silence

*

Ecoute l’écho de ma chaleur
Avance lentement

Prends le temps
d’une respiration
d’une tendresse d’enfance

Ecoute
Les feuilles au jardin
se froissent

C’est l’été
Bientôt il fera froid

Tu es tendre
prêt à entendre le bruit des matins
aux portes arrêtés

*

Les nuages comme des voiles
jetés sur
le bleu des montagnes

Sous les voiles au vent
avancent les
esprits méticuleux
épris et exigeants

Tout les ramène
à la lune blonde
endormie sur leur peine

Voiles levées
Voix élevées
Vers un au-delà

Y croire    Avancer

Parution relevée par la blog « La bouche à oreilles »

REVUE DE POESIE ET DE LITTERATURE

Cinq poèmes parus dans le numéro 131. Février 2021

 

Des arbres au ciel
Des pleurs sous leurs branches déneigées
et des instantanés de feu
sous les paupières baissées

Les bras refermés
sur toutes les pensées
les premières évasions

Et quelle pudeur dans le silence
quand les arbres au ciel ouvrent la voie tracée

°

J’aurai aboli
le demi-souffle
la demi-peine

Je saurai un jour
refléter les éclats
des gouttes de pluie
pleurer de mes yeux pleurer

Un jour je saurai
rejoindre les lentes espérances
jouer de toutes les peines
marquer mon pas au noir et au blanc des soirs

Mes montagnes seront mes fleuves
glissant sur la peau de l’été

Et un jour oui un jour ! Crier
dans les éclats des gouttes de pluie
qui font pleurer

 

Ce poème a été mis en avant par le site La pierre et le sel dans sa rubrique Un jour un texte !

Un élan de soif
Herbes sèches
à l’arrière des murmures

Mes désirs
dans des odeurs râpeuses

Éloignés le désert
et la fontaine cliquetante

Je bois la force à tes lèvres
Goutte à goutte secret

°

J’ai aimé
l’air en était saturé
la lumière chancelante
l’herbe accueillait ma verdeur

Tout était prêt
c’était la fête des infinis

Et j’ai oublié la quête
la recherche du grimoire

Absorbée
sans question ni attente
Révolue

°

Tiens ! C’est l’instant lune
le premier éveil sur la terre encore à dessiner

Un matin au bord du chemin
à cette heure où nous ne savons encore marcher

Tiens ! C’est le premier matin de ce monde
L’instant où tout est à faire