« De quoi contaminer toute la ville » (*), se dit-elle en longeant le parc, ses parterres débordant de fleurs embaumantes. Elle se sentait aveuglée par tous ces bleu, rouge, rose, jaune. Le violet même d’un arc-en-ciel agressif la suivait, décomposant autant les effluves que les formes. La matinée était particulière : ces images la frappaient en pleine face sur ce chemin pourtant si familier. Pourquoi aujourd’hui ? Qu’est ce qui, en elle, la poussait tout à coup vers ces extrêmes perceptions, ces remugles qui la touchaient si fort, au fond des yeux, au creux du ventre ? La nouvelle saison, un rai de lumière plus brut, un vent plus caressant ? Non, rien ne justifiait des sensations qui allaient peut être confiner au malaise. Serait-elle abattue par le poids de l’imperceptible ? Il y avait en tout cas autre chose que la seule sensibilité, sa seule capacité d’émotion. Un poids bien plus élevé la freinait. Elle se donna jusqu’au soir pour analyser le changement. A la tombée du jour, qu’en serait-il ? Par quoi aurait-elle été contaminée ? Elle frissonna sous le verrou de l’attente.

(*) Christian Bobin – La nuit du cœur

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