Journal d’automne
3 octobre … J’ai laissé passer les premiers jours de l’automne qui s’accrochent à septembre. Trop peu libre d’esprit. Même prendre un crayon et tracer quelques lignes sur les pages du carnet était impossible. Voilà le résultat quand l’été finit et se traîne en longues réflexions amères. Un été trop tout, émotions, chaleur, fatigue, trop de visages à découvrir, à scruter, à comprendre.
28 octobre … Les nuits sont traversées de turbulences, des vies s’y entrechoquent, générations face à face.
10 novembre … Sous la pluie. Après octobre doux et lumineux, novembre s’annonce entre deux tendances, humidité et soleil. Ne sommes-nous pas toujours ballotés entre deux humeurs, envie et apathie, joie et tristesse, empathie et indifférence ?
29 novembre … Temps gris et froid. S’extirper de la blessure météorologique, vivre libre de cet impact inévitable. Se réveiller joyeux ou triste mais quel que soit le ciel aperçu par la fenêtre, que la lumière éblouisse ou qu’elle soit absente. Ce serait un progrès, une victoire pour les sens et pour l’esprit.
2 décembre … En quel monde acceptons-nous de vivre ? Un monde connecté dans lequel nous plongeons, par obligation de plus en plus, par paresse parfois, par ennui souvent. Hommes, femmes, enfants connectés : le sujet est devenu banal. Comme pour tous les excès, vouloir y renoncer est compliqué. Et combien de personnes qui sans cela n’auraient pas de quoi se loger, manger, se chauffer, vivent de ce monde connecté ? Il est impossible de revenir aux modes de vie pré-1990. Avoir soixante ans en 2022 est au moins l’assurance de ne pas être témoin de la fuite en avant qui se laisse deviner.
3 décembre … Je dois m’appliquer à être lente. Ce n’est plus possible de tout bâcler, je vais avoir des ennuis ! Le soir tombe lentement – lui – sur une journée froide, éclatante par intermittence. Mais rien à ressentir dans ces jours déclinants. Pas de surprise à vivre ces petites morts de l’automne. La terrasse se salit inexorablement, se souille de feuilles mortes, les accepte et les case dans ses recoins. Dépôt des restes de l’été. La terrasse devient un reliquaire pauvre et négligé comme une femme fatiguée. A l’image de la femme active et parfois dépassée que j’ai été, que je ne suis plus ?
6 décembre … Le rêve nous met face à nous-même, à nos questions intimes et à notre image. Questionner notre naissance, le jeu de hasard qui fait que l’on est tel ou tel, selon que nos parents ont succombé à leurs charmes respectifs ? Qui serions-nous, enfant d’une autre elle, d’un autre il ? Question sans réponse que l’on se pose très tôt. Le rêve raconte ces histoires, ces bouts d’existences où se mêlent de nombreux indices qui nous poursuivent toute la journée.
8 décembre … Le dernier mois de 2022 file à toute vitesse. Pour nous rappeler que le temps nous suit à la trace, nous devance quand les rides nouvelles sont évidentes sur le visage certains jours gris. Et les cheveux qui ne sont plus d’ange ! sauf dans leur texture évanescente.
9 décembre … Mois de Noël, en ces temps difficiles pour la magie, le merveilleux ! Il est triste de constater que les yeux d’un enfant au-delà de quatre ou cinq ans ne pétillent plus à l’approche des fêtes. Et comment ne pas être tenté d’incriminer nos modes de vie, notre dévotion au multimédia. Maintenant que les pré-boomers un à un disparaissent (ces anciens combattants qui n’avaient pas connu l’ordinateur), la voie est libre pour tous les excès.
10 décembre … Je suis à la trace un colis parti il y a cinq jours direction la Suède. Hier, le petit carton était hollandais, aujourd’hui danois. Cette nuit, il traversera certainement le petit bout de mer Baltique par le pont d’Oresundsbron… Une escale l’attend au centre de tri de Malmö. Enfin, les petits objets de Noël serrés dans la mailbox traverseront la Scanie, remonteront au Nord en tirant vers l’Est. Norrköping sera le dernier arrêt avant que le petit paquet ne soit jeté dans les sacs postaux destinés à Stockholm-Gärdet ! Arrivée prévue … le ? … Peut être bien avant le 24. Comme toujours pressée, j’avais pris un peu d’avance !
12 décembre … Réveil glacé, les toits givrés, le jardin engourdi. J’en profite pour cueillir une poignée de feuillages verts persistants. C’est un moment rare, ces quelques jours avant Noël où la végétation se prête à un décor. On aurait envie de faire briller quelques étoiles accrochées à des baies rouges !